Del Toro fait partie de la vague de cinéastes mexicains qui ont marqué le cinéma américain depuis les années 1990. Avec ses compatriotes Alejandro González Iñárritu et Alfonso Cuarón, Guillermo del Toro a prouvé qu’on pouvait toucher à la fois au film de genre et au cinéma commercial.
La première image qui nous vient à l’esprit lorsqu’on pense à Pinocchio, c’est celle du dessin animé popularisé par les studios Disney, qui viennent d’ailleurs d’en faire un remake en prises de vues réelles. Pinocchio a été plusieurs fois adapté au cinéma, mais cette nouvelle version revisitée par Guillermo del Toro restera dans les annales. D’abord, par son époque. Le réalisateur mexicain a choisi l’Italie de Mussolini comme décor pour le célèbre conte italien écrit par Carlo Collodi en 1883. Ensuite, par sa technique. Le stop motion, un art aussi vieux que le Cinéma, où les marionnettes et les éléments d’une scène sont légèrement déplacés entre chaque prise de vue. Quinze ans après avoir annoncé publiquement qu’il adaptait Pinocchio, Guillermo del Toro a enfin réalisé son rêve.
Dès le début de sa carrière, le cinéaste s’est distingué de ses pairs par son approche poétique. Cet éternel gamin de 58 ans, né dans la ville de Guadalajara, sait parfaitement mélanger l’horreur, la science-fiction et le fantastique. Ses films sont uniques, parfois bizarres, mais ne laissent jamais indifférents. De Mimic à Hellboy, en passant par Le labyrinthe de Pan, sans oublier La forme de l’eau, ses longs-métrages ont rapidement gagné leur statut de films cultes. Pinocchio vient de rejoindre cette liste qui fait penser à une exposition de toiles de maître.
R.M. : Du Pinocchio de Carlo Collodi au Pinocchio de Guillermo del Toro. Comment avez-vous approché cette nouvelle version ?
G.d.T. : Quand vous reprenez une chanson qui a été interprétée autant de fois, vous ne le faites que si vous y apportez votre propre voix. Collodi avait créé quelque chose qui illustrait l’Italie telle qu’il la voyait. Quand j’ai décidé de faire ce Pinocchio, j’ai eu la même approche, mais avec des idées et des thèmes qui me semblaient personnellement intéressants pour raconter cette histoire. C’est exactement ce que j’avais fait pour L’échine du diable, Le labyrinthe de Pan et La forme de l’eau.
R.M. : Cette fascination pour Pinocchio a toujours été présente ?
G.d.T. : Oui. J’ai vu le film quand j’étais petit et il m’a profondément touché. Pinocchio voyait le monde comme je le voyais enfant. Un monde intimidant, plein de mensonges et de dangers. Je me souviens d’avoir ressenti de la colère lorsque les gens voulaient que Pinocchio soit obéissant. J’ai donc eu envie de faire un film sur la désobéissance en tant que vertu et dire qu’on n’a pas besoin de changer pour être aimé, qu’on doit être aimé tel qu’on est. À l’âge de 11 ans, j’avais déjà essayé de tourner mon Pinocchio. J’avais fabriqué ma marionnette avec de l’argile. J’avais une caméra super 8 pour filmer. Mais c’était complètement raté. (Rires)
R.M. : Vous aviez donc déjà pensé à l’époque à cette technique du stop motion. Quand on voit toutes ces personnes bouger les marionnettes à chaque image pour les filmer, on se demande s’il faut pour cela de la patience ou de la précision
G.d.T. : Les deux. L’inspiration, c’est de la précision et de la patience. Il faut s’immerger totalement avec les marionnettes. C’est la technique d’animation la plus intime. Dans l’animation digitale, il y a toujours un ordinateur entre le personnage…
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