Mililani Ganivet étudie la collection polynésienne de la Société des Missions de Londres (London Missionary Society) au British Museum dans le cadre de sa thèse. Venue animer des conférences à Tahiti au mois de janvier, elle souhaitait partager ses recherches avec le grand public. Cette passion de l’histoire, née petit à petit, la submerge toute entière aujourd’hui.
Récemment, tu es venue animer un cycle de conférences à Tahiti qui ont eu beaucoup de succès. Quels étaient tes intentions, tes objectifs ?
J’ai commencé au British Museum en octobre 2023. L’objectif de mon doctorat est de répondre avant tout à un besoin de l’institution de documenter une partie de ses collections, ce qui signifie que le sujet de ma thèse a préalablement été fixé : la collection polynésienne de la Société des Missions de Londres (London Missionary Society). Cette collection rassemble plus d’une centaine de tao’a faufa’a tupuna, parmi les objets les plus sacrés collectés en Polynésie (Polynésie Française, îles Cook et Hawaii). Cela signifie que je suis amenée à passer beaucoup de temps dans les réserves du British Museum pour documenter cette collection et mieux en saisir les enjeux. À ce titre, j’ai le privilège d’étudier des « objets » de chez nous qui sont encore pour nombre d’entre eux, inconnus, mis à part ceux qu’on pourrait qualifier de « charismatiques » comme A’a.
Au-delà des émotions qui m’ont submergée à la vue de ces objets dans les réserves muséales, j’ai eu le sentiment que ce projet me dépassait, et que cette collection devait être rendue accessible au plus grand nombre. Elle est une porte pour tenter de mieux comprendre notre histoire et les périodes charnières qui la structurent. C’est ma professeure de tahitien qui m’a suggéré de faire une conférence et partager mon travail. J’espère que ça nous incitera à poursuivre les réflexions dans l’espace public sur comment écrire et se réapproprier notre histoire. Beaucoup reste encore à faire et il faut nous saisir de ces enjeux, sinon d’autres le feront. J’espérais montrer que nous avons, individuellement et collectivement, une responsabilité, et que ça suscite des vocations.
Quel a été ton parcours avant d’arriver au British Museum de Londres ?
J’ai quitté Taiarapu-Est d’où je suis originaire à 17 ans pour partir faire mes études à la Sorbonne (licence et master). Dans le cadre de mon master à Paris, je suis allée enseigner aux États-Unis, en Virginie, pendant un an. J’ai beaucoup appris, mais je ne me sentais pas ancrée dans mon pays, ni dans mon histoire, j’ai donc décidé de faire un deuxième master à l’université de Hawaii. Une étape déterminante pour moi qui a élargi mon horizon. J’ai travaillé à l’inventaire de la collection de Daniel Palacz puis j’ai été recrutée en tant que chargée de mission à la vice-présidence avant de commencer ma thèse au Royaume-Uni.
As-tu toujours été passionnée par l’histoire, l’art, les objets des collections polynésiennes ?
Je ne peux pas dire que je me suis toujours intéressée à l’art et aux objets de notre patrimoine polynésien. Je m’intéresse à l’histoire depuis le lycée. J’ai eu la chance d’avoir une professeure d’histoire extraordinaire qui m’a beaucoup marquée. L’intérêt pour notre histoire date de moins de dix ans. Ce sont les personnes que j’ai croisées sur ma route d’ici, d’Océanie et d’ailleurs, et les nombreuses conversations que j’ai eues avec chacune d’entre elles qui m’a menée là où je suis aujourd’hui.
Comment cette passion est née ?
La passion pour les objets, pour ce que j’appelle la matérialité de notre histoire, est assez récente. Je dois beaucoup à Daniel Palacz, que j’ai rencontré dans le cadre d’une exposition sur le Heiva sur laquelle nous avons travaillé avec Marie-Hélène Villierme. Je me souviens encore de la première fois que je suis entrée dans son musée, j’ai réalisé que j’étais passée à côté…
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