Début 2022, Jennifer Lesieur, journaliste et auteur, a publié Passage du cyclone. Ce roman met en scène une narratrice pré-adolescente qui découvre la vie polynésienne, sous tous ses angles. Une vie que l’autrice a connu puisqu’elle a vécu en Polynésie entre 10 et 15 ans. Dans son récit qui dépeint l’enchantement et la violence caractéristiques du « paradis sur terre », les personnages évoluent dans une synesthésie particulière qui donne à voir la Polynésie dans toute sa dualité. Rencontre.
Hine : Pouvez-vous revenir sur votre enfance ?
J
ennifer Lesieur : Mon enfance n’a pas été très palpitante, du moins pas avant Tahiti. (Rires) Je suis née en banlieue parisienne, dans une jolie famille avec un papa pilote de ligne et une maman professeure. J’ai deux grandes sœurs. Mais j’ai tendance à faire démarrer mon enfance à mes dix ans, lorsque mon père nous annonce que nous allons déménager à Tahiti.
Comment définiriez-vous votre lien avec la Polynésie ?
En arrivant en Polynésie, je me suis sentie chez moi. J’ai trouvé que c’était mon île, mon fenua. Je voyageais déjà beaucoup et j’avais déjà passé 4-5 jours à Tahiti avec mon père lorsqu’il pilotait dans ce coin et c’était le coup de foudre. C’était physique ! (Rire) Le fenua m’est tombé dessus et ne m’a jamais quittée. D’ailleurs, quand on me demande d’où je viens, je ne dis pas que je suis née dans les Yvelines, c’est pas très intéressant. J’ai presque envie de dire que je suis Tahitienne, en fait. C’est ce qui est le plus proche de mon cœur. Je suis Tahitienne d’adoption ! (Rires) Même si je n’y suis pas née, en quatre ans et demi, ça a été tellement riche que c’est comme si j’y avais passé 18 ans de ma vie.
Pour vous, quel était le souvenir le plus prégnant de la Polynésie ?
J’ai énormément de souvenirs, mais c’est moins une expérience particulière qu’une série de moments passés avec des gens. Pour moi, le plus important en Polynésie c’est les gens, c’est les rencontres avec ma nounou par exemple. Dans mon roman, je l’appelle Brigitte. Elle m’a beaucoup marquée parce qu’elle était drôle, tendre, gentille.
Elle avait énormément de problèmes à la maison, mais malgré tout elle arrivait avec sa bonne humeur, avec son affection. Mes amies du collège avec qui je suis toujours en rapport aujourd’hui, on se parle comme si on avait dix ans encore. Au-delà de ça, j’ai des souvenirs mémorables, comme les samedis soirs au Lou Pescadou alors que Mario était encore là, les chansons d’Andy Tupaia qui passaient à la radio, le marché avec toujours les mêmes māmā qui étaient là… Mais mes souvenirs les plus forts sont toujours liés à des gens. C’est ça mon fenua.
Où avez-vous puisé votre inspiration pour votre roman Passage du cyclone ?
Presque tout ce que je raconte, c’est réel. Presque tous les personnages sont réels, j’ai juste changé quelques noms à part Tumata qui n’existe pas. C’est la concentration de plusieurs copines de classe que j’avais. L’une d’entre elles venait des Tuamotu et je voyais bien que ça se passait mal à la maison, qu’elle avait de gros problèmes
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