Tāne, incarnation divine de la beauté.
Tāne, divine incarnation de la beauté.
Tāne, ou comment la beauté nous vînt des dieux.
Tāne, incarnation divine de la beauté :
un attribut à double tranchant…
La mythologie tahitienne est pétrie de récits oraux transmis de génération en génération, des premiers hommes et bien avant eux, depuis les premiers dieux. Car jadis, les Polynésiens étaient polythéistes et animistes : les manifestations divines pouvaient prendre de multiples formes (minérale, végétale, animale et parfois, sous les traits d’êtres humains). Le dieu principal était alors Ta’aroa, le créateur du monde Mā’ohi, avec ses enfants, les dieux secondaires, tels que Hiro, Hina, ‘Oro. Et Tāne, une déité singulière…
Tāne est né de l’union entre ‘Ātea, la divinité de l’espace, et Papa-Tu’oi, le roc. « ‘Aere e, ‘aere ‘ere e ! », « Ô sans forme, ô sans forme. » En effet, au commencement, Tāne n’avait pas de membre, pas de visage, pas de nombril. Rien, c’était juste une motte de terre informe. Le messager Horofana’e fut appelé, il courut demander à Tumu-Nui des artisans capables de façonner un corps harmonieux pour l’enfant motte de terre. Mais tous furent effrayés face à l’imposante stature de la redoutable ‘Ātea.
Deux émissaires des dieux, Ti’a-o-Muri, messager de l’obscurité, et Ti’a-o-Ātea, messager de la clarté, furent mandatés pour exposer les faits à Ta’aroa. Ce dernier décida de mettre deux de ses meilleurs artisans à l’ouvrage, Rima-Roa et Nana. Mais ils prirent peur en voyant l’aspect de Tāne. Alors ‘Ātea dit à ses messagers : « Retournez voir Ta’aroa et dites-lui que c’est de son esprit, de son mana que nous avons besoin. »
Ta’aroa accepta d’apporter sa contribution et se mit rapidement à l’œuvre. Il fit de Tāne un grand dieu, un être parfait et de toute beauté. Il façonna toutes ces peaux pour l’enfant : une peau salée comme la mer, une peau mince et épaisse à la fois, une peau brillante, rouge et collante comme la sève du ‘uru (l’arbre à pain), il lui donna également l’aspect d’une peau de requin, une peau à la fois chaude comme le soleil et froide comme l’eau des profondeurs, une peau claire comme la lune à une peau foncée sensible à tous les vents. Et dit à ‘Ātea de prendre le relais.
« ‘A fa’anoho rā i te tupua’i upo’o o te tama », « Fixe le sommet de la tête de l’enfant. » Elle fixa alors en premier le crâne, le cuir chevelu et enfin de beaux cheveux qu’elle enduira aussitôt d’un mono’i sacré. « ‘A fa’anoho i te paniuru », « Pose ensuite sa nuque. » S’ensuit le front, les tempes, les trous pour les yeux, de jolies oreilles aux lobes parfaits, mais encore sourdes. ‘Ātea posa un nez aux narines bouchées. Et des joues lisses et rouges, larges et potelées. Les lèvres de l’enfant sont pleines et rieuses. La langue fut placée même si la bouche était encore fermée. Elle ajouta une langue bavarde, gourmande pour qu’il parle et mange bien. Ses bras, sa large poitrine, sa colonne vertébrale furent posés.
L’ouvrage étant terminé, ‘Ātea se leva et prit son panier de coquillages, elle perça les oreilles de Tāne pour qu’il entende de très loin et de tout près. Elle lui perça ensuite les narines, pour qu’il respire, renifle et ronfle. Et enfin la bouche, pour qu’il parle et mange. C’est ainsi que Ta’aroa et ‘Ātea façonnèrent ensemble le beau Tāne.
Tāne grandit rapidement et devint le dieu de la beauté. Il fût le premier dieu à avoir des cheveux à l’image de l’Homme. Ta’aroa, satisfait de sa création et de la beauté de celle-ci, le plaça dans le dixième ciel et lui offrit des animaux pour messagers : un beau requin nommé Ire, mais aussi Pirae, une petite hirondelle blanche et un autre oiseau au ventre rouge Manu-Tāne-’ura. Quand Tāne envoyait ses oiseaux au-dessus d’une pirogue, les navigateurs se savaient protégés. Tāne fût aussi doté de deux lances, tout aussi magnifiques l’une que l’autre. Vero-Nu’u, en bois de cocotier et Vero-Rahi en bois de ‘aito.
Tāne était, certes, d’une beauté légendaire, mais il était également connu pour être belliqueux. Il était capable du meilleur comme du pire, de semer la mort avec ses lances lorsqu’il était en colère. Il protégeait les artisans, Ta’ata Rima’ī. Rima’ī que l’on peut traduire par « aux mains remplies de connaissances ». Il veillait également les tahu’a tarai, patu fare, experts spécialisés dans la construction des fare, maisons, les tahu’a va’a en ce qui concerne la construction des va’a, pirogues et les marae, espaces socio-politiques et de culte. Ces tahu’a fabriquaient également des armes et des outils.
C’est ainsi que le dieu Tāne occupe une place majeure au sein des mythes fondateurs et de la cosmogonie polynésienne. Tout autant craint que respecté, la perfection de ses traits et sa grande beauté imparable ne sont-elles pas, finalement, que des masques d’apparat pour voiler sa grande justesse, son habilité, sa droiture et fermeté ?
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