L’usage des végétaux des civilisations premières est étendu à plusieurs domaines tels que l’alimentation, les constructions et aussi pour les habits, usages cérémoniels et rituels, comme c’est le cas pour les tapa.
L’origine du tapa en Océanie
Le aute, broussonetia papyrifera, ou mûrier à papier est nécessaire à la confection du tapa et fût introduit par les premiers Polynésiens. Son rôle est majeur en tant que liant sociétal allant du sacré au commun ; sa place « originelle » de support et vecteur d’expression artistique, dont les motifs premiers se déclinent au fur et à mesure des chemins de peuplement en motifs, retrouvés sur les sculptures Lapita en Nouvelle-Calédonie et au Vanuatu, puis en points de tressage… jusqu’aux motifs qui ornent les tatouages samoans, marquisiens et des îles de la Société, etc.
En tahitien, le terme générique « ‘ahu » est utilisé pour désigner un vêtement, une étoffe, une parure, mais il existait autrefois des mots spécifiques pour nommer différentes sortes d’étoffes confectionnées en écorces battues. Des dérivés de ‘ahu, comme ‘ahu ’api, un tapa épais réalisé à partir de deux ou plusieurs pièces collées ensemble, bord à bord ; ‘ahu pā’au, une étoffe grossière ; ‘ā’ati, une étoffe solide faite à partir de l’arbre à pain ; ’āreva, sorte de tapa mince avec de longues stries provoquées par les rainures du maillet ; hōpu’u, étoffe au grain fin et bien d’autres encore.
En Polynésie, la confection des étoffes végétales non-tissées, réalisées à partir d’écorce, se pratiquait essentiellement par les femmes, à quelques exceptions près car certains hommes battaient également du tapa à usage cérémoniel. En effet, des étoffes épaisses nommées apa’a étaient fabriquées avec l’écorce du aute (mûrier à papier), de nuit, et exclusivement par des hommes. Elles servaient de dons réservés aux dieux et de vêtements portés durant les cérémonies, de même que les tahu’a (les prêtres) en enveloppaient certains objets sacrés. De même, les hommes se chargeaient de planter et d’entretenir les arbres nécessaires à la confection des futures pièces de tapa, ainsi que de la coupe des branches prélevées pour ce faire.
Les plantes utilisées pour la fabrication du tapa
• ‘Ōrā tahiti, banian, figuier des banians ou banian de l’inde (ficus prolixa), est un arbre appartenant au genre ficus, de la famille des moracées ;
• Mati, ficus tinctoria ;
• ‘Uru, arbre à pain, artocarpus altilis ;
• Aute, mûrier à papier, broussonetia papyrifera.
Les différentes étapes pour obtenir un tapa
• Écorçage à l’aide d’un grattoir, souvent un coquillage, un bout de bois ou de bambou travaillés à cet effet.
• Séparation du liber (écorce intérieure de l’arbre) de la branche. Le liber est un élément clé et symbolique où circule la sève, qui incarne le fluide vital de l’arbre.
• Trempage voire macération du liber dans un ‘ūmete, récipient rempli d’eau, quelques minutes ou plusieurs heures en fonction de l’épaisseur et de l’espèce d’arbre utilisée, ainsi que de l’usage final du tapa.
• Battage du liber, positionné sur un tutua (enclume) avec un i’e (battoir), procédé répété plusieurs fois afin de l’étendre jusqu’à l’obtention du tapa aux dimensions souhaitées.
Les outils
• Les i’e, battoirs, peuvent être de différentes formes ou tailles : circulaires, quadrangulaires, ronds ou rectangulaires. Il est possible que différents types de battoirs aient cohabité au même moment, par effet de mode, de matières disponibles ou de préférences… Certains battoirs présentent quatre faces différentes, chacune utilisée à différentes étapes du battage. Des faces décoratives et sculptées peuvent être employées pour la phase finale.
• Les tutua, enclumes, peuvent être en bois ou en pierre, individuelles ou collectives. La plus grande retrouvée en Polynésie française fait cinq mètres de long.
La décoration
Les tapa peuvent être teintés et décorés. Quatre couleurs sont principalement retenues au fenua : le noir, obtenu avec la suie du ti’a’iri, la noix de bancoulier ; le marron et le rouge, obtenus grâce à un mélange de mati (ficus tinctoria) et de tou (cordia subcordata) ; et le jaune orangé qui est obtenu en râpant du re’a tahiti (curcuma longa).
‘Ahu tapa : l’élément clef du lien social
Le tapa, tel une seconde peau, est le liant social de l’époque car les anciens Polynésiens étaient habillés de ‘ahu tapa de la naissance à la mort. D’ailleurs, la pratique de l’embaumement était réalisée à l’aide d’huiles, mais aussi de tapa, autour et à l’intérieur du corps du défunt.
Son aspect spirituel est indéniable, car certaines étoffes de tapa étaient utilisées essentiellement pour les cérémonies. Ainsi, il était commun que des ti’i (représentations d’ancêtres déifiés), ou encore des pahu (tambours), soient ornés de tapa pour des occasions spécifiques.
Nous aborderons dans un prochain article la légende
de la déesse Hina-tutu-ha’a, batteuse de tapa.
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