« Joy. Vous rendre unique ». Ce n’est pas un slogan marketing. Plutôt un acte de foi, dédié à la beauté, à la perle de Tahiti, à la personnalité. C’est le travail d’une créatrice, Titaua Kinnander-Mollard, gérante et créatrice du showroom Joy, en charge des parures de l’élection Miss Tahiti depuis 2019, que nous avons rencontrée chez elle, à Arue.
Retour sur un parcours. Fin des années 1990. Titaua a 18 ans et la vie devant elle. Des études de gestion en cours. Un avenir tracé, sans doute dans une des sociétés du territoire. Et quelques mois d’été à occuper, pour se faire quelques francs. Par un ami proche, elle rencontre un des plus gros négociants en perles du territoire, qui lui propose un job d’été. Titaua est ravie. Elle aime les perles, les bijoux, depuis toujours. Or, les années 1990, dans le monde de la perle de Tahiti, c’était l’eldorado. La production bat son plein, des milliers de perles sont à trier. Ce sera son premier contact avec cette gemme exceptionnelle. Les perles arrivent des fermes de Marutea, appartenant à Robert Wan. Titaua se souvient : « Quand les perles arrivaient et étaient répandues sur les tables de tri, la pièce en était illuminée, c’était incroyable ».
Formes, qualité, lustre, elle apprend avec les trieurs professionnels de l’équipe et aime l’expérience. Quand on lui propose d’être embauchée fin 1998, elle n’hésite pas même si, résidant à Moorea, elle fait la navette en ferry tous les jours.

Photo : Nicolas Hirigoyen ©
Du tri aux salons internationaux
Parfaitement bilingue, Titaua se retrouve dans l’espace commercial, où elle s’occupe des clients internationaux. Elle croise aussi pas mal de bijoutiers de la place. C’est à l’une de ces occasions qu’elle rencontre Marc et Tahia Collins, bijoutiers réputés. En 1999, ils lui proposent de l’embaucher. Leur boutique de Moorea a besoin d’une vendeuse efficace. L’occasion est trop belle de retrouver son île et d’aider sa maman. Avec Tahia, elle perfectionne non seulement le contact clients, mais elle apprend aussi le perçage des perles, le collage, le montage des apprêts.
En 2000, nouveau changement et retour sur Papeete, où Rémi Boucher et son épouse Laurence l’embauchent à leur showroom du Quartier du commerce. Nouvelle dimension pour Titaua qui durant ces années apprend le monde de la ferme perlière, la nacre, l’élevage des huîtres perlières greffées…
Wan et Vaima Perles
Tout semble parfait dans sa jeune carrière. Mais la vie a ses embûches que personne ne prévoit. Titaua perd sa maman, tandis que la boutique où elle travaille fait faillite. Elle a désormais sa petite sœur à charge, il lui faut retrouver du travail. Ce sera quelques mois dans une petite boutique d’accessoires et de bijoux fantaisie, qui commence à se développer. C’est aussi une bonne école. La vie est aussi faite de rencontres fortuites.
Un jour de 2002, elle croise l’égérie de Robert Wan, Turia. Cette dernière l’invite à postuler, car Wan recrute. Or, Titaua a un profil intéressant et elle est retenue. Les contacts avec les clients internationaux, la gestion de la boutique du Sheraton, le concept Robert Wan : l’expérience sera inoubliable.
Dix années à Vaima Perles
La vie est faite de clins d’œil aussi. Quand Titaua avait une quinzaine d’année, elle était en admiration devant la boutique d’Henri Garaccione, Vaima Perles, repris par sa fille Sophie. En 2004, elle est approchée par une de ses vendeuses. Le challenge est à relever. Elle y restera douze années, parmi les plus marquantes de sa carrière. Sophie lui fait très vite confiance. Là, Titaua développe ses compétences, dessine, crée. Sophie lui confie bientôt la création d’une ligne complète de bijoux, or et perles, qui porte son nom, Titaua. Suivront « Larmes » (2010) et enfin Joy (2015), trois collections complètes qui allient élégance, fraîcheur, finesse ; une approche contemporaine aussi, qui permet à toutes les femmes de porter ces bijoux en maintes occasions. Le succès est réel. Quand elle quitte Vaima Perles en 2016, un an après que Sophie eut vendu, elle sait qu’elle n’arrêtera plus de créer.

Photo : Nicolas Hirigoyen ©
2017, l’aventure Joy commence
Frédéric Mollard, grossiste en perles, son compagnon depuis 2013, connaît le potentiel de Titaua. Alors qu’elle est en voyage, il lui apprend qu’il a réservé pour elle un local et qu’il est temps de se lancer. Titaua relève le défi. Elle emménage tout en créant sa première ligne. Le 1er septembre 2017, Joy ouvre ses portes. Le showroom sera inauguré le 5 octobre suivant. Les vitrines, éclairées avec justesse, présentent des créations d’une rare beauté. Tout est fin, élégant, original et noble, aisément portable, réalisé avec perfectionnisme. S’il y a tant de talent dans les créations de Titaua, rien n’est venu du hasard : tout est le fruit d’une histoire née il y a vingt ans. Vingt années d’apprentissage, de rencontres, de formation. Avec l’ouverture de sa propre bijouterie, elle allait passer un cap.
La création au cœur de la philosophie Joy
Un air de jazz emplit la pièce d’une blancheur nacrée. Au bureau, concentrée, Titaua fait courir sur une feuille de papier des traits rapides et fins. En s’approchant, on reconnaît l’esquisse d’un bijou, un bracelet qui entrelace finement quelques rondes perles dans un écrin de fils d’or blanc.
Avant d’être élus pour une série de bijoux exclusifs ou une collection telles Corail, Ginkgo, Glamour, Trésor, Intemporel, Absolue ou Iconic, pas une perle, mabe ou keishi ne sont choisis, puis chorégraphiés sur le bijou créé sans avoir au préalable été choyés, conservés plusieurs années parfois. Titaua est finalement l’héritière d’une longue lignée de bijoutiers de Polynésie qui, contre vents et marées, ont toujours donné à la perle de Tahiti un écrin à sa juste mesure : celle d’une gemme dont chaque perle est unique et qui raconte l’histoire de son lagon. Quand vous passez au showroom Joy, tendez les yeux comme on tendrait l’oreille : au-delà du bijou qui vous séduit, des couleurs et de la forme des perles, de leur brillance et de leur pureté, c’est un miroir de l’âme du lagon où elles sont nées que vous admirez. C’est sans doute pour cela que Joy est l’enseigne qui fut choisie en 2019 pour créer les parures des candidates à l’élection de Miss Tahiti.
Le souffle de la perle
Pour ce travail de création qui demande une belle énergie, Titaua préfère le calme du matin ou la sérénité du soir. Sa maison perchée dans la montagne face à l’océan et dont elle a pensé chaque recoin, l’inspire. C’est donc chez elle à Arue, ou dans l’atelier qu’elle a spécialement aménagé à Papeete, qu’elle crée. Pour cela, pas d’apprêts en série, mais les plus nobles matériaux et des feuilles blanches pour exprimer ses trois piliers de création : l’universelle beauté féminine, la perle de Tahiti magnifiée et l’hommage à la culture polynésienne.
Titaua commence, au crayon, par poser les contours du bijou, via un croquis qui l’aide à fixer les différents éléments sur papier : là, une chaine Rolo, une perle de Mangareva, ici quelques keishi de Takume, reliés entre eux par un anneau en argent rhodié. L’ensemble joue de la lumière, tandis que les pampilles apportent leur équilibre. Certaines perles cerclées se retrouvent sur un bracelet ; d’autres, rondes, cascadent sur un collier et se mêlent à la pureté des diamants : c’est sauvage, nuancé, cohérent. L’ensemble est admirable : la collection Diamants by Joy prend forme. Le même soin, la même exigence a précédé la création de Crystal, collection créée spécialement pour le gala Miss Tahiti 2023, avec des cristaux Swarovski et des perles de Tahiti.
Avant de tracer les bases de la parure suivante, Titaua prend le temps d’écouter le souffle de la nuit ou les soupirs de l’aube. Rien ne peut être fait dans l’urgence. Elle écoute les perles aussi, qui confient les caresses de l’océan, la fraîcheur du lagon ou l’immensité des ciels pa’umotu. Vous le savez désormais : une perle peut souffler la forme d’un bijou à sa créatrice. Chez Joy, c’est une partie du secret.
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