Ingénieure en hydroélectricité, elle est responsable des projets hydroélectriques chez EDT – Marama Nui depuis 13 ans. Un poste qu’elle occupe avec enthousiasme et passion, plongée au cœur des problématiques énergétiques d’aujourd’hui.
Après les trombes d’eau tombées la veille, la vallée de Faatautia à Hitiaa o te Ra s’est enfin éclaircie et la visite du chantier peut avoir lieu. Rebecca Wong Fat-Derval grimpe dans le 4X4 et c’est parti pour son inspection hebdomadaire des travaux des ouvrages au fond de la vallée. Responsable des projets hydroélectriques chez EDT – Marama Nui, elle propose des solutions, mène les études, établit le planning des travaux, lance les différentes phases du chantier et suit leur avancée. La première fois que les ouvriers du chantier au fond de la vallée l’ont vue débarquer, ils ont été un peu surpris. Les femmes ne sont pas nombreuses à occuper ce genre de poste. Mais malgré sa taille menue, elle a su s’imposer rapidement. Elle les écoute, ils l’écoutent et tout se passe très bien ! Ce matin sur le chantier, les hommes doivent couler une « longrine verticale » en béton, elle permettra de faire la liaison entre le béton projeté d’un côté et le liner de l’autre qui assurent l’étanchéité de l’ouvrage. Après les salutations, la discussion s’amorce entre le surveillant de chantier et Rebecca. Il lui montre les avancées, lui explique ce qu’il reste à faire, elle prend des photos et pose des questions, s’assure que ses consignes sont bien suivies et reste pour assister à des travaux délicats. Est-ce qu’elle aime cette ambiance de chantier ? Tout de suite elle sourit : « Ah oui ! »
Ses missions : gérer des projets sur des aménagements existants, réhabiliter des ouvrages et les surveiller, développer de nouveaux aménagements. Treize ans qu’elle travaille à ce poste et l’hydroélectricité devient de plus en plus passionnant. « Chaque barrage a sa propre conception, ses problématiques… La routine n’existe pas ! »
Elle est également au cœur des problématiques énergétiques d’aujourd’hui : comment faire plus d’énergie renouvelable. « Faire plus d’hydroélectricité est l’objectif pour tendre vers l’indépendance énergétique du Pays. Le gouvernement souhaite atteindre 75 % d’EnR (énergie renouvelable) en 2030.
C’est très ambitieux, mais on tend vers ça. Aujourd’hui, la part de l’hydroélectricité varie entre 30 et 40 %. » Ces enjeux sont au cœur de son métier et la raison de son choix de carrière professionnelle : « C’est ce qui m’a toujours animée : agir et aider au développement de mon pays. Mon travail fait du bien à mon fenua, à la nature. Je contribue à laisser un bel héritage à mes enfants. C’est très motivant ! »
Et quand elle défend l’hydroélectricité, elle le fait avec enthousiasme, rappelant que les ouvrages durent minimum 60 ans, que certains barrages en France ont plus de 100 ans, qu’en fin de vie, on peut les transformer en base de loisirs par exemple et que les impacts environnementaux sont aujourd’hui pris en compte dans toutes les étapes. Et EDT – Marama Nui innove avec des outils très performants comme cette turbine Very Low Head, installée à Papenoo 1, qui est « ichtyophile », « qui aime les poisson ». Elle associe les soucis de performance des turbines avec les soucis environnementaux en laissant passer les poissons.
Toute jeune, ses parents l’encouragent, elle et ses grandes sœurs, à suivre une classe préparatoire intégrée et à s’engager dans une école d’ingénieurs. Les trois le deviendront : une ingénieure électricité, une autre hydrogéologue et enfin elle, Rebecca, qui associe les spécialités de ses deux sœurs, en étant ingénieure hydroélectricité ! Pourtant, elle pensait plutôt travailler dans l’assainissement, les ressources en eau et les aménagements pour l’eau potable, mais en rentrant à Tahiti après ses études en France, c’est sa compétence en hydraulique et mécanique qui attire les entreprises. Après une année à la Sedep, le bureau d’étude fondateur des barrages Marama Nui, elle est engagée chez EDT, qu’elle n’a plus quittée. Elle avoue avec le sourire être de plus en plus mordue par l’hydroélectricité. « C’est tellement riche et diversifié. C’est un métier extraordinaire de par l’environnement dans lequel j’évolue et les enjeux auxquels je participe. » D’ailleurs, de futurs gros projets l’attendent car la France a lancé le Fonds de transition énergétique et propose des subventions pour certains programmes. Elle espère réussir à obtenir des financements avec toujours cette idée en tête : développer son pays.
À bord de son 4X4, « c’est sans doute ce qui a été le plus difficile, apprendre à conduire sur les pistes », rigole-t-elle, elle raconte aussi sa passion pour la danse. Le ‘ori tahiti ! Un autre monde bien loin des chantiers qu’elle côtoie depuis son plus jeune âge. À ses 7 ans, elle commence à danser chez Tamariki Poerani et ne quittera plus Makau Foster ! Elle fait partie de la base du groupe de danse et participe aux shows dans les hôtels, aux arrivées à l’aéroport. Seules ses années d’étudiante et ses deux grossesses l’éloignent de la danse. Mais ça y est, elle a repris ! « C’est une vraie passion qui me rattache à ma culture. Depuis que j’ai repris, je revis ! Je suis particulièrement expressive quand je danse, je ressens beaucoup d’émotions. Makau nous a toujours appris à ne pas danser pour danser, mais à vivre la danse. Et cet esprit de cohésion et de troupe nous emporte quand on fait des spectacles ! » Également ce qu’elle aime sur ses chantiers : travailler ensemble vers un même objectif.
Marama Nui en chiffres
- Créée en 1981, la société assure près de 30 % de la production électrique de Tahiti.
- 16 centrales sont réparties sur 5 vallées : Vaite, Vaihiria, Faatautia, Titaaviri et Papenoo.
- 150 millions de kWh sont produits en moyenne chaque année.
- La société est également installée aux Marquises où six aménagements hydroélectriques produisent 2,5 millions de kWh en moyenne par an.
Article rédigé par Lucie Rabréaud
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