Elle est passée de l’ombre à la lumière, dirigeant pendant trente-cinq ans le service de la Traduction et de l’Interprétariat du Pays et académicienne au Fare Vāna’a, elle a été élue présidente du Conseil économique, social, environnemental et culturel au début du mois d’octobre. La quatrième institution du Pays a donc, pour la deuxième fois de son histoire, une femme à sa tête. Passionnée par les langues et toujours attentive à bien faire passer les messages, elle assure qu’elle tiendra son poste avec respect, dignité et honnêteté.
Elle est la deuxième femme à prendre la tête du Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec). La quatrième institution du Pays n’avait connu que Raymonde Raoulx (entre 2007 et 2011) comme présidente féminine. Dans son nouveau bureau, un tīfaifai couvre un des canapés du petit salon, un chapeau qu’on lui a offert à Rapa est délicatement posé sur un siège, une grande table accueille les dossiers, et juste à côté un tableau représentant une couronne de fleurs… « Oui, c’est un grand bureau ! Je n’avais jamais ambitionné d’être là. J’ai travaillé toute ma vie en face, au service de la Traduction et de l’Interprétariat du Pays et à l’Académie tahitienne. Diriger les instances du pays n’a jamais été dans mes objectifs. » Mais voilà, Voltina Roomataaroa-Dauphin est bien là, à la tête du Cesec, élue présidente au début du mois d’octobre. « Ça forge, cela t’oblige à te dépasser. » Au Cesec, elle faisait partie du collège développement, qui réunit les représentants de diverses associations, siégeant pour l’Académie tahitienne. On lui parle de se présenter pour l’élection du président du Conseil, l’opportunité est là. L’ancien président, Eugène Sommers, l’encourage à s’engager. « On met de côté sa peur. Bien sûr qu’il y avait de la peur, je ne connais pas bien les textes, ni la politique. J’ai suivi des cours de droit à l’université, mais c’était une montagne ! J’étais disponible donc il fallait y aller. » La direction, c’est quelque chose qu’elle connait après trente-cinq années à la tête du service de la Traduction et de l’Interprétariat du Pays, qu’elle a d’ailleurs fondé. Donc pas de quoi l’inquiéter. Mais la politique, le juridique, restent des matières un peu redoutées. Même si elle reste elle-même : ouverte aux propositions, loin des couleurs partisanes et privilégiant la réflexion. « Je ne m’imagine pas d’obstacles, j’avance, je regarde, j’observe et quand viendront les difficultés, j’agirai. »
Voltina Roomataaroa-Dauphin a d’abord été enseignante en Histoire et en Reo tahiti dans les années 1985-1986. Elle était une des premières à enseigner le tahitien car cette matière venait de faire son entrée dans les écoles. « Nous n’avions pas de formation pour enseigner le tahitien, mais la langue, je la parle, je la vis, c’est une expérience empirique. Pour moi, il faut surtout que l’idée et le message passent bien, c’est plus important que la grammaire. » L’importance du message va finalement occuper toute sa vie professionnelle car elle deviendra traductrice. « Un concours s’est ouvert pour mettre en place le service de la Traduction et de l’Interprétariat, j’ai réussi. » Aucun de ces deux métiers n’avait été un rêve d’enfant. Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle voulait faire, même si l’art l’attirait beaucoup, confie-t-elle, caressant le tīfaifai sur lequel elle était assise. « Tout ça… le tressage, le chant, j’ai pris des cours avec Gaby Cavallo, ça me plaisait. Et à la retraite, j’ai suivi des cours de peinture avec Jean-Luc Bousquet. » D’ailleurs, ce tableau qui représente une couronne de fleurs, c’est elle qui l’a peint. « La couronne représente l’accueil, mes parents partis, le tressage c’est ce qu’ils nous ont laissé, la chaise vide une vie qui s’en va. » C’est bien eux, et particulièrement sa mère, qui l’ont poussée à étudier. « Pour mes parents, il fallait travailler, mais ma mère était ambitieuse, elle voulait que ses dix enfants arrivent à la lumière. »
L’émotion l’étreint quand elle raconte l’histoire de sa mère. « Son arrière-grand-mère qui vivait à Rurutu avait enfreint le code et avait été condamnée à mort. Elle était tombée enceinte sans être mariée, elle devait mourir. Mais comme elle était la fille du chef du village, on a laissé ses parents choisir : la mort ou l’exil. Ils ont préféré l’exil et…
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