Elle faisait partie des meilleurs triathlètes de Tahiti quand une voiture a envoyé valser ses rêves de podiums. Un accident qui a tout changé : ses habitudes, sa silhouette, sa façon de penser, sa vie… Mais aujourd’hui, Temehau Maihuti prend le temps de se reconstruire avec patience et bienveillance, et surtout, elle n’oublie pas de profiter de chaque instant de cette nouvelle vie. Et pas question d’arrêter le sport ! « Il y a bientôt trois ans, j’avais le corps brisé mourant à côté de mon vélo et aujourd’hui je suis une finisher du Xterra trail 10 km en moins de trois heures », s’enthousiasme-t-elle.
Aujourd’hui, Temehau Maihuti va bien. « Très bien même », ajoute-t-elle avec un sourire, le regard posé sur la mer, « mieux qu’avant mon accident ». « Après, tu sais ce que c’est que de ne pas aller bien, quand tu perds tout du jour au lendemain et de juste pouvoir regarder le plafond. » Temehau était une triathlète de haut niveau, se battant parmi les meilleurs, une jeune sportive qui ne lâchait rien, encouragée par son club, ses entraineurs, sa famille. Quand un accident a tout fracassé. C’était le 23 août 2020, un homme alcoolisé et drogué, roulant beaucoup trop vite, a perdu le contrôle de sa voiture et a percuté Temehau qui était sur son vélo. La jeune femme est sauvée de justesse. Cassée de partout. Mais aujourd’hui, elle est là, souriante et frêle dans sa jolie robe à fleurs, confiante et calme, animée d’une force intérieure qui semble inébranlable. Sa rééducation est désormais devenue « la plus grande compétition » de sa vie. Des compétitions, elle en a beaucoup fait. Elle est toute petite quand elle voit des enfants faire du vélo sur le parking de Pater, à côté de la piscine : c’est ça qu’elle veut faire. À 5 ans, elle commence le triathlon et à son adolescence, elle atteint un très bon niveau. « J’adorais gérer mon effort sur trois disciplines. À l’époque, je ne perdais jamais ! » Entre ses 15 et 17 ans, elle arrête le sport, mais il revient très vite dans sa vie. « Le sport est très important pour moi, je le faisais passer avant tout autre chose. Si je partais en vacances, il fallait qu’il y ait une salle de sport et une piscine pour m’entraîner. »
Elle fait partie d’un petit groupe de jeunes qui s’entraînent fort sous les yeux attentifs d’un directeur technique de la Fédération de triathlon. Ensemble, ils préparent les sélections pour les Jeux du Pacifique de 2019. Cette même année, elle commence à travailler comme infirmière à l’hôpital et continue de s’entraîner avant ou après le travail. Mais si les minimas passent pour le vélo et la natation, pas en course à pied… Une période un peu difficile à vivre. Elle décide alors de se concentrer sur le vélo où elle a un vrai potentiel. Elle adore ça : « Essayer de faire des échappées, aller devant, rouler dans le vent… J’étais une sprinteuse à l’époque, j’aimais la vitesse. » Elle apprécie de voir d’autres femmes rouler et partager ses courses féminines ensemble. Puis c’est l’année 2020 avec la Covid. Tout se ferme, les compétitions sont annulées. « Un ensemble de choses au travail ne me plaisait pas, j’étais très fatiguée. J’ai fait une dépression. Je gardais en tête mes objectifs sportifs, ça me permettait de rester sur les rails. Le sport m’a toujours aidée dans ma vie en générale, depuis toute petite, jusqu’à aujourd’hui. » Elle aime aussi le VTT et part souvent à la Maroto, son moment à elle. Son père s’est même mis au vélo pour l’accompagner sur des sorties. Ce 23 août 2020, il est avec elle.
« J’habitais à Pirae à cette époque, j’avais hésité à sortir rouler, mais ce n’était pas en restant chez moi que j’allais gagner ! J’ai rejoint mon père et un ami et nous sommes allés à Tiarei. Sur la route du retour, on a doublé une amie, une infirmière comme moi, sportive aussi. On a fait la course dans la ligne droite de Papeno’o. Puis je roulais en pensant à la suite de ma journée : mon frère avait acheté à manger et on allait faire la fête chez mes parents. J’ai juste entendu un gros bruit. » L’accident se passe à quelques centaines de mètres de la maison de ses parents, dans le virage de la Charcuterie du Pacifique. Un homme qui arrive en face perd le contrôle de son véhicule et percute l’avant du vélo de Temehau, alors que son père est plus loin devant. « J’entends la voiture puis je suis par terre. J’essaye de me relever, mais je n’y arrive pas. Mes jambes, mes bras, tout est tordu. Je n’arrive pas à respirer. » Elle pense à son père, est-il lui aussi à terre ? Elle pourrait l’aider, elle sait soigner, mais n’arrive pas à se lever. Mais il arrive rapidement, il est là, au-dessus d’elle, il a déjà appelé le Smur. Elle hurle sa douleur. Elle pense qu’elle va mourir. Son père l’encourage à se calmer. « J’ai pensé : ce ne sont que des os, calme-toi, calme-toi. » Le Smur arrive, elle se sent partir. À l’hôpital, elle est en urgence vitale et est plongée dans le coma. Plus tard, elle lira avec attention le compte-rendu de l’accident : les deux passagers ont témoigné, le conducteur roulait à 120 km/h. Il percute le vélo, la voiture finit dans le caniveau et il part en courant. Seulement, de nombreux témoins sont là, c’est dimanche et il y a les vendeurs ambulants installés là qui interviennent. On lui court après…
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