Elle voulait devenir hôtesse de l’air, mais Thomas Teriiteporouarai l’a poussée dans le journalisme, un métier qui deviendra une véritable passion. Après plusieurs postes d’encadrement, souvent des premières pour une femme et une Polynésienne, elle est devenue directrice des contenus d’information (DCI) à Polynésie La 1ère et devra mener la réforme de la rédaction. Nouvelle stratégie, nouvelle organisation, nouvelle mission… Un challenge qu’elle est prête à relever.
C’est la pluie cet après-midi. Le ciel est bien couvert et tout est trempé, même la petite table où on commence à s’installer. « Quel sale temps ! » s’agace Stella Taaroamea en se reprenant aussitôt avec un grand sourire : « On est toujours en train de se plaindre hein ? Il fait trop chaud, il pleut… » C’est toute sa force : jamais elle ne se plaint et si elle le fait ça ne dure pas. Elle sort ses dossiers et sa tablette et se met tout de suite à parler de sa maison, sa famille : Polynésie La 1ère. Nommée directrice des contenus d’information (DCI) en septembre 2023, elle a fait « tous les postes » de l’entreprise. Et pourtant, elle rêvait d’être hôtesse de l’air ! Elle a grandi à Tahiti, adoptée par ses grands-parents maternels. Ils sont protestants, modestes, le grand-père est maçon et la grand-mère femme de ménage. Le respect et l’humilité sont des valeurs importantes. Elle apprend la langue tahitienne grâce à leur éducation et l’école du dimanche. « C’est une grande richesse. » Bachelière en 1990, elle s’imagine poursuivre ses études et devenir hôtesse de l’air : « C’était mon métier de rêve ! » Mais ses grands-parents n’ont pas les moyens de l’envoyer en France et puis Thomas Teriiteporouarai, journaliste de RFO et un ami de la famille, les sollicite : « J’ai besoin de Stella, il faut qu’elle vienne. » Mais celle-ci n’est pas du tout d’accord et commence par refuser. « Le métier de journaliste ne m’avait alors jamais traversé l’esprit, je voulais être hôtesse de l’air, point barre. Dans les années 1990, il n’y avait pas vraiment de femmes journalistes et je voyais ces messieurs à la télévision, ce n’était pas un métier pour moi. » Mais ses grands-parents sont heureux et la poussent à accepter. Thomas Teriiteporouarai revient à la charge, elle a rendez-vous avec le directeur de RFO, mais elle envoie une copine à sa place, qui fera faux bond au directeur ! Ses grands-parents sont fâchés et le lendemain, elle finit par aller à la chaîne. Elle est prise à l’essai en matinale radio.
Levée à 4 heures du matin, à l’antenne à 5h30 et à l’époque pas d’internet ou de mail. Les dépêches de l’Agence France-Presse arrivent sous forme de rouleau qu’il faut ensuite décortiquer, réécrire. Stella Taaroamea est tenace et veut bien faire. La première fois au micro, elle tremble, son cœur bat la chamade et la fatigue est difficile à surmonter après plusieurs semaines à ce rythme, mais tous la poussent à ne pas lâcher. « Mes proches voyaient l’opportunité de ce travail pour moi, ce que je ne voyais pas encore. » Elle passe à la télé comme présentatrice d’une rubrique au journal du soir, avec Thomas Teriiteporouarai. Puis elle sera la première femme à présenter le ve’a, le journal en tahitien. « Aller chercher, enquêter, appeler les gens, créer des magazines. L’info c’est 24h/24 et 7j/7 ! Même en vacances, c’est plus fort que moi, je pense à l’info. Par la force des choses, je me suis retrouvée dans ce milieu et j’ai appris. Aujourd’hui, je suis convaincue que ce métier est dans mon ADN. » Jusqu’en 2006, elle présente le ve’a et fait la fierté de ses grands-parents, surtout de sa grand-mère qu’elle appelle « māmā ». « Chaque passage télévisé que je faisais, ils regardaient et parfois, ils corrigeaient mon tahitien. Ils m’ont beaucoup apporté et puis les rôles se sont inversés, c’est moi qui me suis occupée d’eux. J’étais l’aînée de leur mo’otua et je comptais plus que leurs propres onze enfants. »
Stella Taaroamea ne connait pas son père. « C’est quelqu’un qui était de passage en Polynésie. Un jeune homme séduit par le fenua qui est reparti. » Sa grand-mère maternelle, Michèle Mopi Teururai, épouse Taaroamea, qui l’a adoptée dès sa naissance, qui l’a même allaitée, ne lui en parle pas. Elle débordait d’amour pour sa petite mo’otua. « On était fusionnelle, elle a été ma maman avant d’être ma grand-mère. » Plusieurs années plus tard, Stella apprend que son papa est revenu la chercher. Il savait qu’il avait une enfant et voulait la reprendre, mais la grand-mère refuse et le chasse. Ce géniteur n’avait pas saisi l’opportunité de reconnaitre cet enfant et la grand-mère a donc décidé de l’éloigner de sa petite-fille, le rejeter. C’était trop tard. Pour Stella, l’épisode reste une blessure. Cette histoire est passée sous silence durant toute sa vie d’enfant, d’ado et de jeune femme. Mais il n’est pas question de nourrir son amertume, l’amour de ses grands-parents adoptifs l’a guidée toute sa vie et aujourd’hui, elle a définitivement tourné cette page. Stella est elle-même devenue maman. « À un moment donné de ma vie, j’ai eu envie d’un enfant, même si il n’y avait pas vraiment de place pour une vie de famille, mon travail prenait tout mon temps, mais c’était plus fort que moi, je voulais avoir un enfant, je ne me voyais pas vivre sans enfant. » Elle rigole précisant qu’elle…
Comments are closed