L’une est à Raiatea où elle vit et l’autre en résidence artistique à Paris, ce sera donc par écrit qu’elles raconteront ce projet de photos devenues des tableaux, mené à deux, entre mère et fille. Le cancer du sein de Nathalie a été diagnostiqué en mai 2022, elle demande à sa fille, Orama, de lui fabriquer de jolis accessoires pour sa tête qui sera bientôt chauve. Quand elle commence à les porter, Orama la trouve tellement belle qu’elle veut la prendre en photo. C’est la naissance du projet artistique Empouvoirement. Pour reprendre le pouvoir.
Leurs réponses sont arrivées à quelques heures d’intervalle, avec la volonté affirmée de raconter l’histoire de ces photos. On y voit Nathalie, souriante, rieuse, songeuse, parfois grave ou éclatante, une étincelle dans les yeux, entourée de plumes, de coquillages ou d’arabesques… Empouvoirement la montre telle qu’elle est : fière et belle. Fière d’avoir laissé tomber le foulard qui cachait son crâne chauve et embellie par cette lumière qu’elle dégage. C’est en mai 2022 que le diagnostic tombe. Nathalie Nigou, mère de Orama Nigou, a fait « une micro embolie pulmonaire », la mammographie puis l’échographie montrent un cancer du sein. « Durant toute cette période je suis restée calme. Le scanner s’est terminé et là j’ai fondu en larmes car j’ai commencé à réaliser la “suite”. J’étais totalement angoissée de l’annoncer aux enfants, à ma famille, j’avais peur de la peine que j’allais provoquer. Heureusement, lors de ces examens, mon mari était avec moi », raconte Nathalie. Le couple vit à Raiatea et leurs deux enfants, Orama et son frère Teiki vivent en colocation à Tahiti. Pas question de leur annoncer cette nouvelle par téléphone, ils le feront lors d’un séjour à Papeete. « Orama et Teiki ont été les premiers avertis. J’ai essayé de leur communiquer ma confiance et ma détermination à me soigner et guérir. » Orama se souvient très bien de cet après-midi : « Nous savions qu’ils venaient sur Tahiti pour un examen médical, mais nous ne pensions pas que ce serait pour un diagnostic aussi grave. Papa avait l’air très fatigué et maman était calme, mais un calme plutôt dû aux médicaments. De mon côté, je crois que j’ai fait une sorte de rejet émotionnel de l’information, ça reste assez flou, mais je crois que d’une certaine manière, mon cerveau a mis du temps à intégrer la gravité de la situation. »
Ses premières réactions : faire des blagues avec son frère. La tension est là, mais difficile de réaliser… « La première chose que maman nous a demandé, c’est de nous comporter avec elle comme avant. Il était hors de question – et j’étais d’accord avec elle avant même qu’elle ne le dise – de rentrer dans le pathos et de la regarder avec pitié et désespoir. La meilleure chose à faire pour l’aider était de lui permettre de se sentir normale. Je me suis beaucoup inquiétée bien sûr, mais j’ai aussi tout simplement eu très vite confiance en elle. Nous connaissions le diagnostic, le cancer avait été pris en charge tôt, il faisait partie de ceux que l’on savait le mieux soigner, et puis surtout, maman était décidée à se battre. Ça allait être un moment difficile à passer, mais si elle croyait en son potentiel de guérison alors moi aussi », explique Orama. Artiste connue et reconnue en Polynésie française, Orama Nigou travaille à son compte depuis août 2021, à l’Atelier Tāmau qu’elle a fondé. Artiste designer textile, la plume est sa matière de prédilection. Elle aime aussi installer des œuvres d’art à l’extérieur comme lors de la dernière Nuit des musées où son travail avait été semé au gré des envies dans le jardin pour une déambulation artistique. Nathalie est devenue artisane après une carrière de sage-femme dont elle a démissionné pour se reconvertir dans l’artisanat. Quand elle apprend sa maladie, elle demande à sa fille de lui créer des bijoux et des accessoires. « Maman a toujours aimé se parer et elle ne voulait pas abandonner ça au profit de bonnets disgracieux et stigmatisants. C’est un aspect important de sa féminité qu’elle voulait préserver et ma première contribution fût ce travail d’accessoires. Le jour où elle a commencé à les porter, je me suis dit que j’aurais aimé…
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