Pour cette artisane créatrice, ce ne sont pas les perles ou la nacre les plus précieux, mais les coquillages de plage. Leur couleur pastel, leur beauté naturelle sans prétention, leur élégance… C’est ce qu’elle aime mettre en valeur avec ses créations, que ce soit de la décoration ou des bijoux, s’inspirant de la mer à quelques mètres de son atelier et de la beauté des montagnes surplombant sa maison.
Une fois garé au parking à Teahupo’o, il faut emprunter la petite passerelle, continuer sur une allée ombragée avant de voir les arbres s’écarter sur une pelouse bien verte avec les montagnes d’un côté et la mer de l’autre. La fameuse vague est là, juste devant sa maison où elle s’est installée il y a cinq ans. Mareva Orbeck voulait être aux côtés de sa fille et de ses petits-enfants, habitant la maison derrière. Un bateau file sur le lagon, des jet-skis se dirigent vers la vague et une ondée vient rafraîchir l’air ambiant. On entend des rires au loin. « Je vis ici, je travaille ici, les machines sont juste derrière, dans l’atelier. Je suis de Papeete, j’ai toujours vécu et travaillé en ville pour une entreprise où j’étais réceptionniste. » Et pendant ces 26 années, Mareva Orbeck rêvait de grands espaces et de la mer, se promettant qu’une fois à la retraite, elle vivrait au bord de la plage. Surtout que c’est là qu’elle trouve ses trésors : les coquillages dont elle fait des colliers, des bracelets, des objets de décoration, des miroirs, des couronnes de tête… Aujourd’hui, la plupart arrive des Tuamotu car elle n’en trouve pas suffisamment au bord de l’eau, à Teahupo’o, mais c’est encore son petit plaisir d’aller à la recherche de ces merveilles de la nature qui ne cessent de la surprendre. D’ailleurs, quand elle reçoit ses cartons des îles, il y a toujours de quoi s’étonner… « Il y a tellement de variétés ! J’ai toujours des surprises. »
L’artisanat n’est pas arrivé tout de suite. Elle a d’abord été vendeuse « chez madame Flosse qui avait la boutique Hinerava au centre Bruat » puis réceptionniste standardiste à l’entreprise Chevron dirigée alors par Olivier Bréaud. L’homme d’affaires a été enlevé et assassiné en 1980. « Ce drame a été un choc pour nous, ses employés. Il était gentil, il payait bien, il nous gâtait. Il avait beaucoup de projets. Un enlèvement… Ça ne pouvait pas arriver chez nous. Oui ça a été très difficile, un choc, raconte Mareva Orbeck. Il m’a embauchée alors que j’étais bac moins cinq. » Mareva n’a pas fait d’études, quelques formations de cuisine, de couture, mais elle veut avant tout s’échapper du pensionnat et trouver sa liberté. « Ma famille, c’est celle que j’ai construite. Mes parents vivaient leur vie chacun de leur côté et moi j’étais au pensionnat puis au foyer de jeunes filles de Monseigneur Coppenrath. Personne ne venait me chercher le week-end. Personne n’était là derrière moi. C’était à moi de m’occuper de moi. Je vois des gens pleurer sur leur sort : je n’ai pas de papa, pas de maman, pas de ceci, pas de cela… Mais non ! Il faut y aller. À l’époque, personne ne me donnait d’argent, les sœurs apportaient le nécessaire d’hygiène, on piochait dans les vêtements des affaires sociales ou je récupérais des choses devenues trop petites pour les copines. C’était comme ça. » Cette éducation religieuse l’a forgée et surtout elle voulait s’en sortir, ne pas finir dans la rue. À ses 18 ans, elle se trouve un premier mari, un moyen de partir du foyer et de commencer sa vie. Elle a un fils, mais au bout de dix ans ils se séparent et elle rencontre son deuxième mari, celui avec qui elle est encore aujourd’hui et avec qui elle a une fille. Aujourd’hui, elle compte cinq mo’otua. Cette envie de construire sa vie, quels que soient les obstacles, ne l’a jamais quittée.
Quand l’entreprise Total (Chevron a été racheté par le groupe après la mort d’Olivier Bréaud) propose un plan de départ volontaire, Mareva Orbeck hésite un peu puis accepte de partir. « À l’époque, ce n’était pas une décision facile à prendre : partir d’une entreprise comme celle-ci. Mais quand je voyais ces personnes retraitées mourir peu de temps après avoir arrêté de travailler, ça m’a décidée. J’ai été enfermée toute ma vie en pension puis dans un bureau. Travail, circulation, les courses, la cuisine… C’est dur cette vie-là. » Elle a 46 ans et veut vivre au grand air. « Je ne suis pas allée investir, j’ai dépensé l’argent qu’on m’avait donné, j’ai vécu au jour le jour comme dans mes débuts dans la vie. Nous avions déjà une maison et un terrain avec mon mari. » Elle part à Moorea. C’est là-bas qu’elle commence à approfondir un travail qu’elle avait déjà commencé alors qu’elle était salariée : la couture. « Je suis assez manuelle et je faisais déjà des couvertures, des robes, j’aidais mes copines, je faisais du patchwork. Ça me faisait un surplus d’argent avec ma paye de réceptionniste. J’avais dans l’idée de…
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