
Photo: Tevahitua Brothers ©
C’est elle que le jury a choisie comme meilleure danseuse du Heiva i Tahiti 2023. Pourtant, rien dans son parcours pouvait laisser penser qu’elle accéderait à ce titre prestigieux. Enseignante de techno au collège Henri-Hiro de Faaa, elle a appris la danse seule, sans savoir d’où cette passion lui venait. En 2016, elle participe à son premier Heiva qui lui laisse le goût du spectacle, puis vient l’envie d’aller vers l’excellence. Ce trophée récompense un amour inconditionnel pour la danse et le travail acharné pour atteindre la beauté.
Parfois, quand on regarde certaines personnes évoluer dans un domaine, on se dit qu’elles sont faites pour ça. De grandes sportives, des navigatrices, des auteures, des chanteuses… Elles font partie des meilleures alors que rien ne le laissait présager. Avec Maheana Atapo, c’est la même pensée qui effleure l’esprit. Elle n’a fait aucune école de danse, elle vient tout juste de s’inscrire chez Arato’a (l’école de danse de Kehaulani Chanquy) n’a pas suivi non plus le conservatoire ou encore moins d’exemples familiaux. Chez elle, elle est la seule à se passionner pour le ‘ori tahiti depuis toute petite… Peut-être une transmission dans l’ADN avec des grands-parents maternels, avec qui elle n’a pas grandi, qui dansaient dans leur jeunesse. Elle-même ne sait pas vraiment d’où peut venir cette passion, cette envie irrésistible de danser lorsqu’elle entend les sons mélodieux de la musique tahitienne. Et pourtant, la voilà, sans avoir suivi de parcours classique, sur la scène de To’atā devant le jury du Heiva i Tahiti 2023 pour le concours de meilleure danseuse, délicatement déposée dans le rond de lumière par son mari, lui aussi danseur. En regardant la vidéo lors de l’interview, elle ne peut réprimer son rire : « J’ai du mal à me regarder, je ne vois que mes défauts ! ». Les spectateurs eux, et le jury aussi, y a vu beaucoup de qualités ! Déjà, l’entrée. Rien de comparable. Chez Ori i Tahiti, les deux meilleurs danseurs sont présentés et amenés sur la scène par d’autres danseurs, des femmes pour le garçon et des hommes pour Maheana. « Avec mon mari, nous n’avions pas l’habitude de faire des portés. J’avais le genou posé sur son épaule et l’équilibre était parfois difficile à trouver. Il a fallu petit à petit trouver la technique, comment mettre les bras, les mains, gainer le corps. On s’entraînait à la maison, dans le jardin, avec bébé qui n’était pas loin… » C’est lors de la dernière semaine avant le grand soir qu’ils sont parvenus à s’ajuster. Après avoir marché sur le dos des danseurs, elle est donc déposée au centre de la scène. Son mari sort rapidement, Maheana se positionne et l’orchestre s’arrête. Parfait. Ça peut commencer.
Fa’arapu, tā’iri tāmau, nu’u tīfene : les trois pas de base demandés par le jury, à exécuter parfaitement, en plus de la variété des autres pas qui apportent également des points. Maheana y glisse le tīpapa, un pas masculin qu’elle aime particulièrement. « Comme je suis professeure, je suis curieuse des notes que j’ai pu avoir… Mais quand je me vois, je me dis que je peux mieux faire. » Pour elle, deux grands paramètres comptent
dans la prestation de meilleure danseuse : la technique, en assurant les pas de base, en dansant en accord avec la musique, et l’émotion. Quand elle se voit, elle se souvient bien de son état d’esprit ce jour-là. « J’avais hâte de danser. Je n’étais pas stressée. J’ai lâché prise pour apprécier pleinement ce moment. Quand je réfléchis trop, je ne suis plus dedans. C’était mieux pour moi d’être zen et détendue, mais en contrepartie, il y a des petites erreurs… Je n’ai pas assez “cassé” au niveau du ventre par exemple. Mais il fallait que je me conditionne, sinon j’aurai peut-être perdu tous mes moyens ! » Alors cette journée-là va se passer tout simplement : promenade au parc avec la famille, sieste, préparation pour le spectacle. « C’était parfait ! » Elle a assisté aux prestations de deux autres danseuses et a regardé quelques vidéos, mais ne veut pas se mettre trop de pression même s’il y a cette envie de gagner qui la motive. Cela fait plusieurs semaines qu’elle se prépare. Une occasion à laquelle elle n’avait jamais réfléchi, pensant que ce n’était pas fait pour elle. « J’avais toujours eu envie de participer au Heiva avec Terau (Teraurii Piritua, le chef de la troupe Ori i Tahiti, ndlr), il me semblait être quelqu’un de sage et de réfléchi. » Aux répétitions, on commence à parler des meilleurs danseurs, qui se présentera ? Certains tâtent le terrain et…
Comments are closed