L’ancienne compagne de Henri Hiro vient de publier ses textes dans un recueil paru chez Au Vent des îles. Des textes qu’elle croyait avoir perdus jusqu’à ce que par hasard, elle remette la main dessus. C’est une amie qui lui suggère de tout regrouper dans un seul et même livre. Il a fallu se replonger dans ses mots… Mais elle assure ne pas avoir souffert. Aujourd’hui, elle est heureuse, elle a retrouvé son premier amour et vit désormais avec lui. Elle profite de ses enfants, ses petits-enfants, sans regret pour cette vie passée.
Sa maison est au cœur de la ville, pas très loin de la route. On entend les voitures, des travaux aussi, mais ce sont surtout les oiseaux qui font plein de bruit. Il y en a des dizaines qui volent dans le jardin. Ils s’attardent dans les coco remplis de riz. C’est dans la nature que Do Carlson se sent le mieux. Dans la mer, dans la vallée, dans la rivière… entourée de verdure, de pierres et d’oiseaux bien sûr. La nature, Henri Hiro l’a souvent célébrée dans ses poèmes, appelant les hommes, son peuple surtout, à ne pas l’oublier, à la respecter, la protéger. A-t-on respecté sa parole ? Pas vraiment… Nos vies effrénées et urbaines nous entraînent souvent loin du calme et du repos de la nature. Sa maison est son refuge, même si elle manque parfois d’espace, d’air et de vide. Do Carlson a vécu loin de tout ça pendant quelques années auprès de Henri Hiro, son compagnon et le père de trois de ses enfants, dans une vallée isolée de Huahine, accessible seulement par la mer. La vraie vie ! Une parenthèse enchantée où elle s’est « ensauvagée » comme on peut lire parfois dans des articles qui appellent à revenir à la nature. Une époque qu’elle ne regrette pas. Aujourd’hui, elle est là, elle vit malgré toutes les épreuves qu’elle a traversées…
Heureuse, elle l’est quand elle feuillette ce livre qui vient de sortir chez Au Vent des îles : Henri Hiro, taùrua nui i te amo àha. Les œuvres complètes de Henri Hiro : ses poèmes, ses pièces de théâtre, ses textes politiques, ses textes pour les enfants, ses chants, son mémoire de licence et puis les textes des amis et une biographie. « C’était une idée de Chantal Spitz, réunir tous ses écrits et les publier. Une partie de ses poèmes avait déjà été publiée. Mais j’y voyais des erreurs. Il fallait revoir tout ça. C’est intéressant que tout soit réuni dans un seul et même ouvrage. Tous ces textes que j’avais ici, à la maison. Ça ne servait à rien si personne ne peut les lire. J’ai voulu mettre son mémoire de thèse, car il décrit son enfance, ce petit village où il a grandi. Aujourd’hui, cet endroit n’est plus du tout comme ça. On comprend mieux aussi sa philosophie et il y a ce côté blagueur. » Et ainsi, en lisant tous ces textes, c’est toute la pensée de Henri Hiro qui s’épanouit dans nos esprits. Même si, au départ, Do Carlson a eu un peu de réticence. Elle reconnait sans problème que tous les textes ne sont pas bons, mais c’est important de bâtir ce patrimoine. « Tous les intellectuels du Pays peuvent ainsi réfléchir sur ces textes. J’espère que les gens vont utiliser ce livre. » Elle espère aussi qu’il atteindra le cœur des plus jeunes, même s’il faut une certaine maturité pour comprendre ses mots. Ce livre est aussi inédit, car Do Carlson pensait avoir perdu tout le travail de Henri Hiro… Alors qu’elle est revenue vivre à Tahiti après son décès, un artiste, un de ses amis, l’appelle : la maison à Huahine est en feu. « J’ai pensé que j’avais tout perdu dans cet incendie. » Mais un jour, elle retombe sur les carnets. « J’étais contente de les retrouver. C’est important d’avoir tout ce travail. » Et puis elle aime bien la présentation du livre, les illustrations de Yiling Changues, qui signe aussi le graphisme. Elle est la petite-fille de Jean-Paul Barral, un des grands amis de Henri Hiro. « Elle n’a pas reproduit de motifs traditionnels, c’est vraiment moderne. J’aime cette opposition entre les textes de Henri Hiro et ces dessins. Et Jean-Paul Barral admirait beaucoup Henri pour faire des choses que lui-même ne pouvait pas faire, il était l’expression d’un rêve. » Replonger dans tout ce travail alors qu’elle l’a vu malade et puis mourir… « Ce livre, c’est un travail fait. J’ai fait le deuil d’Henri, me replonger dans ces textes n’a pas été une source de souffrance. Certains de ses écrits sont particulièrement beaux alors forcément ça prend aux tripes mais le passé, c’est le passé. Nous avons eu une vie fantastique ensemble, mais je ne vais pas passer ma vie à le regretter. Ce livre a le mérite d’exister. » D’autant qu’aujourd’hui semble très loin d’hier.
Comments are closed