Elle a tout juste 20 ans, un sourire éclatant et une danse presque parfaite, même si elle considère avoir encore beaucoup de choses à apprendre. D’ailleurs, elle a travaillé dur pour présenter cette prestation qui a ravi le jury et le public de To’atā. En la regardant, cela semble si facile… la jeune femme fait la fierté de sa famille et de son groupe de danse. Tauhere Sandford, la chorégraphe, et Heimanu Tehahe, primé également au Heiva pour ses cinquante années de participation au concours, étaient avec elle pour parler de ce prix gagné. Et qui est en train de changer sa vie !
Elle est là, avec ses lunettes toutes rondes et ses tresses. Elle semble si jeune, si fragile. Et pourtant, quelle force ! Elle est montée sur la scène de To’atā avec toute sa fraicheur et sa candeur. Mais aussi son charisme incroyable. Un grand sourire et la voilà effectuant un fa’arapu tīfene pour commencer, interprétant Ta’aroa en train de créer le monde, les arbres, les fleurs, les montagnes, les faisant naître de ses mains, avec un large sourire. Un ‘ukulele et une douce percussion accompagne cette entrée spectaculaire et fascinante. « Des salutations, le tuane’e en bas, le tā’iri tāmau, elle descend, remonte, fa’arapu, elle tourne et revient, fa’arapu sur un pied, d’abord sur le droit puis le gauche », détaille sa professeur de danse, Tauhere Sandford, la chorégraphe du groupe Heikura Nui. Heimanu Tehahe, qu’on appelle pāpā Heimanu, rigole. Cinquante ans qu’il participe au Heiva i Tahiti comme musicien ou chef d’orchestre. Il sait ce qui va plaire au public et au jury. Et le fa’arapu sur un pied, si possible effectué des deux côtés, il coche toutes les cases ! Le « fa’arapu oiseau », comme le surnomme Aie, lui a posé bien des difficultés, mais pas question d’y renoncer. Tauhere Sandford continue : « Pā’oti, ‘āfata, elle redescend en tīfene, ‘āfata et fa’arapu en tīfene, elle remonte, fa’arapu. » Il était important de finir avec un fa’arapu, car ce pas est comme une promesse, explique la chorégraphe. « Il faut que le fa’arapu soit le même au début et à la fin. Il doit être constant. » La danseuse salue ensuite le jury, son public et ses musiciens. Une surprise pour les batteurs du groupe Heikura Nui. « Je salue toujours les musiciens à la fin de la danse. C’est eux qui ont fait mon pehe. S’ils n’existaient pas, je n’existerais pas non plus. »
C’est à Rurutu que Aie a appris à danser. Pas dans une école, mais avec la famille, ses sœurs, ses cousines, sa grand-mère maternelle surtout. Sa « mémé » l’emmenait partout avec elle quand il y avait des fêtes de village. Elle posait cette petite fille de 3 ou 4 ans sur la table, y montait avec elle, et elles dansaient toutes les deux. D’ailleurs, c’est à elle qu’elle a pensé avant de monter sur la scène de To’atā. « Le ‘ori tahiti est une passion depuis toute petite. J’ai toujours aimé ça, je me sens bien quand je danse. Tout me plaît. Aller sur scène, être devant les gens et les voir heureux de nous regarder », explique-t-elle. Cette sportive fait aussi du volley, le sport de sa mère. Et quand elle arrive à Tahiti pour le lycée, elle intègre l’équipe de Tefana et joue en fédéral. Plus question alors de faire de la danse, elle se consacre à ce sport collectif. Tout en continuant de danser à l’occasion. Notamment quand elle rentre à Rurutu en juillet et participe au Heiva i Rurutu. Son visage s’éclaire quand elle parle de ces fêtes. « À Rurutu, la danse reste simple, il n’y a pas de pas compliqués. On apprend en copiant les plus grands. » Et puis la danse revient quand elle devient étudiante à l’université en filière informatique. « J’aimerais devenir professeur d’informatique. J’aime le codage, mettre en place des logiciels, tester et essayer de fabriquer des jeux. » C’est en voyant une vidéo de Tauhere Sandford qu’elle a envie de s’y remettre… « J’ai vu quelque chose en elle qui m’a donné envie d’aller dans son école. »
On est en août 2023 et elle apprend le ‘ori tahiti pour la première fois dans une école de danse. « Elle était d’abord dans le cours des mamans avec une enseignante qui travaille avec moi. Je ne l’ai pas vite vue, mais quand je suis tombée sur elle, j’ai demandé ce qu’elle faisait là. Elle devait aller chez les confirmés ! C’est là qu’elle pouvait progresser techniquement, raconte Tauhere Sandford. Ses caractéristiques ? C’est une travailleuse. Tout ce que tu dis, elle l’applique à la lettre sans jamais discuter ou râler. Sa force ? Avoir appris à danser à Rurutu. Elle n’a pas ce stress de l’exécution d’une technique, elle vient, partage sa danse simplement. » Aie sourit. « À Rurutu, c’est comme ça, le chef parle, on fait la prière et on écoute. Personne ne répond ou discute. C’est comme ça que ça se passe. Même dans la danse. » Sa professeur reprend : « Elle a quelque chose en plus. Elle travaille énormément. Elle ne se concentre pas sur les autres. Je me souviens de la première fois que je l’ai vue, c’était dans cette salle (celle de l’école de danse Ātoroira’i à Tipaerui). Elle était en pāreu vert et faisait un fa’arapu. Elle était à 200 %. » Si Aie prend ces cours de danse, c’est qu’elle veut
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